Pause pour une pose .. (Autourdesmots)
"« Ecoute,
soit tu acceptes, soit tu refuses, il n’y a pas une kyrielle de solutions ! ».
C’était un ultimatum de sa part. J’hésitais beaucoup à poser nue pour ce
peintre. Il est vrai que ma vertu n’en prendrait pas ombrage, c’était
juste une pause dans ma vie, pose banale pour un peintre de talent. Bien qu’il soit un sybarite
connu et reconnu, j’avais toute confiance et malgré cela j’hésitais encore…
pourquoi ?
Je
planais dans le labyrinthe de mes réflexions en me demandant si
finalement je ne faisais pas du misonéisme en refusant cette proposition
car finalement cette situation serait une innovation dans mon cadre de vie
habituel. Poser NUE pour un homme, qui va observer jusqu’au moindre défaut de
mon corps… c’est presque un pléonasme car, dans mon esprit, mon corps
est un défaut à lui seul. Il est vrai que je ne ressemble pas pour autant à une
chimère. J’acceptais, non sans me demander comment je
me trouverais, assise là, devant son regard.
Installée
comme une déesse sur un coussin rouge, laissant aller mes formes au gré de la
lumière qu’il dirigeait vers moi, je posais… et posais encore durant des
heures. Je devinais du coin de l’œil ses pinceaux frétiller sur la toile et son
regard… LE regard du peintre.
Dans la
pose qu’il m’avait demandée de prendre je me sentais comme une vierge
demandant l’absolution de ses pêchers, regardant vers le plafond avec
une totale béatitude. Il m’était difficile de rester en place, immobile
durant des heures et lorsque mes lèvres esquissaient ne serait-ce que le
souffle d’un mot, il me répondait « Tais-toi-et-chante ! ».
Le
tableau fut terminé mais je n’avais pas l’autorisation de le voir. Même un
stage à l’école des proculiens n’aurait pas changé son avis, "Ce tableau m’appartiens
et tu ne le verras que lorsque j’en déciderais".
Lors du
vernissage, enfin, mes yeux découvrir l’œuvre dont j’étais la source. Ce fut
avec une surprise non dissimulée que je vis de nombreuses personnes se presser
devant le tableau et le couvrir de compliments, l’observant presque à la loupe…
Je me sentais mal, comme si toutes ces pupilles me regardaient... nue…
Il s’approcha
alors de moi et, dans une étreinte presque amoureuse, me murmura à l’oreille,
"c’est gagné, ton corps est devenu une œuvre immortelle… "
Christine pour Autourdesmots (13 à la douzaine n° 7)
La consigne ici
Merci au Garde-Mots de nous laisser fouiner dans son placard ;-)